Le vendredi 7 juin 2027 a eu lieu deux représentations de Remora, une pièce de théâtre par la compagnie Otam, qui mêle comédie musicale, danse et intelligence artificielle générative autour du mythe d'Orphée et Eurydice.
Remora est un spectacle qui mêle chant, musique, danse et intelligence artificielle autour du mythe d'Orphée et Eurydice. La question ici est de savoir ce qu'il advient d'Orphée, une fois sa bien-aimée perdue. Le spectacle permet d'aborder différents thèmes psychologiques. Il introduit également l'intelligence artificielle générative à travers le personnage virtuel d'Orphée, un double amélioré de notre héros.
La genèse de la pièce
« À la base, nous voulions faire un projet qui nous fasse voyager à travers des œuvres d'art. Orphée est une figure emblématique de l'art en général et de la poésie en particulier. C'est pourquoi nous sommes retournés aux sources. Nous avons imaginé ce qu'allait être la vie d'Orphée après son aventure dans les Enfers et après avoir perdu Eurydice et comment son personnage d'artiste avait pu se reconstruire après ça. C'est comme ça que nous avons abordé la question de remora et petit à petit tout s'est amplifié pour donner le spectacle tel que vous avez pu le voir », explique Amaury Trouvé, chanteur et enseignant en chant, qui, avec Remora, signe sa première création en intégralité d'un spectacle musical de toute pièce.
Le mythe d'Orphée et Eurydice
Le mythe d'Orphée et Eurydice figure au livre X des Métamorphoses du poète latin Ovide. Orphée a reçu de sa mère le don merveilleux de la musique ; les dieux lui font cadeau d'une lyre. Il joue ainsi de l'instrument et charme tous ceux qui l'écoutent : hommes, bêtes et dieux. Un jour, il rencontre Eurydice. Leur amour est si profond qu'ils décident de se marier. Mais hélas, le jour du mariage, la jeune fille se fait mordre par un serpent. Orphée a juste le temps de se précipiter vers elle pour la voir expirer son dernier souffle. Se refusant de perdre celle qu'il aime, il décide de descendre aux Enfers pour ramener sa bien-aimée.
Hadès et Perséphone ne peuvent résister au charme de sa lyre et consentent à le laisser partir avec Eurydice, à la condition qu'il ne se retourne pas tant qu'ils seraient dans le Royaume des morts. Les deux amoureux remoment les Enfers l'un derrière l'autre. À l'approche de la surface, Orphée oublie sa promesse et se retourne pour vérifier si Eurydice est toujours derrière lui. C'est alors que les abîmes aspirent de nouveau sa bien-aimée. C'est ainsi que malheureux, il erre sur la terre...
Remora exploite différents thèmes psychologiques avec le personnage d'Orphée
« Orphée, dans le fait de perdre Eurydice, celle qu'il aime, vit un traumatisme. Nous pouvions transposer son traumatisme et ses propres remises en question comme le fait de lâcher prise et ne pas s'accrocher à une vision illusoire du passé ou à une version de lui qu'il aimerait atteindre. », précise Amaury Trouvé. À noter que le terme latin « remora » désigne un phénomène, une personne ou un être qui nous empêche d'avancer.
« Le personnage qui se trouve dans l'écran est une sorte d'image idéalisée qu'Orphée se fait de lui-même. Cette figure n'est pas plus positive que le Remora qui l'engage à rester dans son marasme, dans sa dépression dans son mal interne. Orphée est lui-même son propre remora vu qu'il reste piégé dans son passé et dans ses attentes illusoires. C'est aussi une multitude de phénomènes psychologiques que nous explorons alors à travers cette pièce et qui prennent vie à travers la danse, à travers son dialogue interne qui est pris en charge par la vidéo, le tableau animé, et les différents personnages. »
L'introduction de l'intelligence artificielle générative à travers le personnage virtuel d'Orphée
« La base du projet était de rendre vivants des tableaux », explique Lucien Pacault. « Nous avons décidé de faire ça en exploitant les technologies actuelles. C'est ainsi que nous avons fait appel à l'intelligence artificielle générative. » Constance Trouvé est la développeuse en charge des vidéos sur le projet. Elle définit donc l'intelligence artificielle générative comme la manière de « de générer du contenu par un programme informatique qui mimique plus ou moins la façon dont un cerveau humain pourrait penser ou produire du matériel. »
Elle a ainsi créé un avatar virtuel de l'acteur principal jouant le rôle d'Orphée en fournissant au modèle d'intelligence artificielle plusieurs photos de lui sous différents angles, dans différentes circonstances. « À partir de ces différentes données, le programme a intérprété l'acteur principal en terme de visuel, etc. De cet avatar, j'ai créé une version un peu plus âgée ressemblant à un personnage de la Grèce antique. Je l'ai ensuite placé dans différentes scènes de l'histoire.De cet avatar, j'ai réalisé des animations, avec des mouvements de lèvres qui correspondent au texte que nous voulions faire dire à ce personnage. »
Avec Remora, les auteurs ont voulu exploiter la croyance - croire en soi, croire en ses capacités, croire en une illusion. Vaut-il mieux suivre un mauvais chemin ou ne rien suivre du tout et rester à se morfondre toute sa vie ? « Nous avons fait le choix de faire en sorte qu'Orphée suive sa propre voix, sa propre croyance. De la souffrance, de la douleur naît quelque chose de positif et de beau », conclut Lucien Pacault.